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Une histoire de la navigation

Une histoire de la navigation

Messagepar Laurent » 21 Nov 2012, 14:44

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Introduction

L'histoire de la navigation, essentiellement liée à l'histoire de la civilisation et aux découvertes géographiques, retrace les étapes de la conquête de la mer par l'homme et en explique les raisons : l'attrait de l'aventure et le goût du risque, les impératifs géographiques qui, dès l'Antiquité, " jettent " vers la mer les peuples des côtes, la recherche du profit qu'illustre le développement des marines marchandes, la volonté d'expansion politique dont les flottes de guerre constituent l'élément privilégié, et surtout les progrès des techniques qui conditionnent les grands voyages maritimes. L'histoire de la navigation recouvre donc l'histoire du navire et de sa construction ; elle s'attache aussi à suivre les progrès de l'art de naviguer.
L'évolution du navire, variable selon les régions, n'obéit pas à une chronologie rigoureuse, d'autant plus que les critères de classification (forme et matériau de la coque des navires, taille et tonnage, mode de propulsion) s'influencèrent mutuellement au cours du temps et que des types de navires différents coexistèrent pendant plusieurs siècles. On retiendra ici les étapes correspondant au mode de propulsion : l'Antiquité, où prédomine l'aviron ; le Moyen Âge, où l'emploi de la voile unique est courant ; les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, caractérisés par la multiplicité des mâts et des voiles ; le XIXe siècle, qui inaugure la propulsion à vapeur ; le XXe siècle pour la propulsion nucléaire.
On ne peut considérer l'évolution de l'art de la navigation qu'en de longues périodes : millénaires de navigation empirique, sans carte ni boussole, le plus souvent côtière, parfois au large sans autre instrument qu'une ligne de sonde ; navigation préastronomique, entre le XVe et le XVIIIe siècle, avec compas, portulan et instruments d'observation des astres permettant de se situer en latitude ; navigation astronomique, à partir du XVIIe siècle, où l'invention du chronomètre résout le problème posé par la détermination de la longitude ; enfin, navigation utilisant les techniques radioélectriques et inertielles de l'époque actuelle.



1. Des navigations primitives à l'art nautique du Moyen Âge

L'origine de la navigation remonte aux premiers âges de l'humanité ; en témoignent les échantillons de pirogues des gisements néolithiques ou bien ce navire à voile trouvé dans une tombe sumérienne (vers 4000 av. J.-C.). On ne sait ce que furent les premiers esquifs : tronc d'arbre creusé qui donna naissance à la pirogue, radeau de troncs ou de roseaux qui serait l'ancêtre de la jonque, ou encore couffe, sorte de corbeille circulaire toujours en usage sur les fleuves mésopotamiens et les rizières annamites. L'évolution du premier flotteur s'imagine aisément : renforcement des liaisons de la coque, accroissement des dimensions, amélioration de la propulsion (mains, perche, rame, voile).


Navires de l'Antiquité et navigation côtière

Les reliefs et inscriptions hiéroglyphiques fournissent la documentation la plus ancienne sur les navires et sur l'art de la navigation. Aux esquifs de papyrus succèdent des bateaux de mer, dérivés des embarcations fluviales (env. 2500 av. J.-C.). La coque étroite est relevée aux extrémités comme celle des gondoles ; une vingtaine d'avirons et une voile carrée, hissée sur un mât rabattable, assurent la propulsion ; la direction s'obtient au moyen d'une rame-gouvernail placée à l'arrière le long du bord et maintenue dans une position proche de la verticale par un cordage fixé à plat bord, dispositif rustique conservé jusqu'à l'apparition du gouvernail d'étambot au XIIIe siècle.
La trière athénienne, descendante du navire égyptien, représente le modèle classique du vaisseau long antique. Navire de combat, la trière mesure trente mètres de long et quatre mètres de large ; son étrave, seule partie massive de la coque, porte un éperon pour l'abordage. Une ou plusieurs voiles carrées, utilisables aux seules allures du largue et du vent arrière, servent d'appoint à la propulsion assurée par plusieurs rangs de rameurs superposés (birèmes et trirèmes). La galère romaine, construite d'après les mêmes principes, n'apporte aucune amélioration dans la manœuvre des bateaux longs.
À côté des navires de combat aux formes effilées, les bâtiments de commerce de l'Antiquité présentaient des formes ventrues. Ces bateaux ronds utilisés par les flottes marchandes phénicienne et romaine naviguaient à la voile, l'aviron intervenant pour les manœuvres de port. Leurs formes massives et leur gréement, une grande voile carrée, interdisaient le louvoyage. Les allures de l'arrière étaient seules possibles pour des navires déjà lourds (une trentaine de tonneaux pour les Phéniciens, peut-être deux cents pour les transports militaires romains) ; les Anciens s'attachaient donc à bien connaître le régime des vents.
Grâce à cette connaissance, malgré la petite taille de leurs navires et l'empirisme de leur art nautique, dès le début du XIIe siècle avant J.-C., les Phéniciens avaient parcouru toute la Méditerranée. Les Carthaginois, au IVe siècle avant J.-C., poussèrent leur navigation jusqu'en Grande-Bretagne et auraient tenté sans succès le tour de l'Afrique par l'ouest sous la conduite d'Hannon, tandis qu'une expédition ordonnée par Alexandre revenait de l'Indus au Golfe Persique.
La navigation des Anciens était très prudente en ses débuts : on ne naviguait le plus souvent que de jour, de cap en cap, à l'aide d'une ligne de sonde ; on mouillait la nuit en utilisant de grosses pierres à défaut d'ancre (l'invention de celle-ci semble due aux Romains). S'il advenait qu'on dût faire route de nuit, le timonier se guidait sur les astres, dont les Égyptiens, les premiers, connurent bien les mouvements. Continuateur de leurs recherches, l'astronome grec Hipparque établit les premières éphémérides nautiques et construisit les premiers astrolabes (IIe s. av. J.-C.). Il faut souligner que les procédés astronomiques employés permettaient seulement d'obtenir une direction approchée. La position restait incertaine ; cette navigation à l'estime exigeait de fréquents recalages sur la terre et se ramenait à une navigation côtière. Faute de cartes marines, les Anciens disposèrent très tôt de documents décrivant côtes, amers et mouillages. Des phares furent construits pour la sécurité des marins ; celui d'Alexandrie, édifié au IIIe siècle avant J.-C. sur l'île de Pharos, donna son nom aux ouvrages du même genre. Le développement de la navigation imposa de grands travaux : ports d'Alexandrie, construit sous les Ptolémées, et du Pirée, équipé sous l'impulsion de Thémistocle ; canal creusé par Ramsès II entre la Méditerranée et la mer Rouge (env. 1300 av. J.-C.).


Pirogues polynésiennes et drakkars vikings

Quelle que soit l'origine du peuplement de la Polynésie, on reste confondu devant l'audace des navigateurs primitifs océaniens qui n'hésitèrent pas à effectuer des traversées de près de 4 000 kilomètres. Depuis les voyages d'exploration du Pacifique accomplis par les navigateurs du XVIIIe siècle, on connaît assez bien les embarcations qui permirent de tels exploits. C'étaient de grandes pirogues doubles dont la longueur pouvait atteindre quarante mètres ; les deux coques, faites de troncs d'arbres évidés, étaient accouplées à un mètre l'une de l'autre par des pièces de bois ligaturées. Propulsée à la pagaie ou sous l'action d'une grande voile triangulaire, la pirogue tenait son cap au moyen de pagaies en guise de gouvernail. La meilleure allure, celle du vent de travers, permettait d'atteindre la vitesse de 7 nœuds, et il est probable que ces pirogues étaient aptes au louvoyage. Il est plus difficile d'expliquer comment les Polynésiens s'orientaient en pleine mer sans instruments d'observation ou avec des instruments rudimentaires. Invoquer leur sens marin ne suffit pas ; admettre des pertes nombreuses serait éluder le problème. Il est donc vraisemblable qu'ils se repéraient en latitude par des " astuces " astronomiques leur permettant d'évaluer la hauteur de la Polaire et de la corriger. L'utilisation judicieuse de la culmination de certaines étoiles (les culminations des Pléiades et d'Aldébaran correspondent par exemple aux latitudes extrêmes des Hawaii), une excellente connaissance des alizés pouvaient assurer des atterrissages suffisamment précis sur des îles au relief élevé. Des sortes de cartes de navigation (les mattang), constituées par de fines baguettes liées entre elles, dessinant des figures géométriques et dont les intersections sont jalonnées par des coquillages ou des fragments de corail matérialisant les îles aux abords desquelles se réfractent les ondulations de la houle, permettent encore aux habitants de l'archipel des Marshall d'atterrir sur les îles avec certitude.
Dès le IIIe siècle de notre ère, des peuples du Nord pratiquaient la navigation ; Érules, Danois, Frisons traçaient les itinéraires futurs des Vikings qui allaient explorer l'Atlantique nord à partir du IXe siècle (colonisation de l'Islande et du Groenland, découverte de l'Amérique vers l'an mille) et manifester leur supériorité dans la guerre navale.
Parmi les divers navires scandinaves, les drakkars étaient taillés pour la vitesse et la guerre. Les trouvailles de Gokstad et Oseberg en ont livré des modèles (IXe s.) : la coque, de chêne ou de pin, construite avec élégance, pointue des deux bouts, est formée de lattes de bois assemblées à clins et ajustées par des rivets de bronze ; le navire mesure une vingtaine de mètres, dispose de quinze ou seize paires d'avirons, d'un mât amovible et d'une voile carrée ; la gouverne est assurée par une rame-gouvernail placée latéralement à l'arrière. Plus lourds et plus petits que les drakkars, les knarrs étaient plus robustes ; conçus pour le transport (formes plus rondes, franc-bord et tirant d'eau plus forts), ils naviguaient presque exclusivement à la voile. Ils se prêtaient au louvoyage car ils furent l'instrument des découvertes de l'Islande, du Groenland et du Vinland.
Si les Vikings ont su construire d'excellents navires et prouver leurs qualités de marins, leur science nautique restait très pragmatique. Ils n'avaient aucune idée de la rotondité de la Terre, ne disposaient ni de cartes, ni de boussoles, et ne pouvaient s'orienter de manière systématique dans un océan connu pour ses vents instables et ses brumes dangereuses, à moins que la " pierre bleue " citée par les sagas et pourvue des propriétés du filtre polaroïde n'eût permis d'observer le Soleil caché par les nuages.


Navigation de l'Occident médiéval

L'Occident médiéval présente schématiquement deux aires maritimes distinctes : le Levant, ou secteur méditerranéen, dans lequel Byzance assure la relève des marines antiques, éduque pour une part les marins de l'Islam et parraine les armateurs vénitiens ; le Ponant, du Nord au Portugal, adopte les techniques des Scandinaves.
À côté d'une traditionnelle galère, améliorée par la marine byzantine qui gréait le dromon d'une voile triangulaire (voile " latine "), la marine à voile méditerranéenne poursuivait une lente évolution. Du bateau rond de l'Antiquité, la nef du Levant conservait au XIIIe siècle une coque bordée à franc-bord, des formes ventrues accentuées par l'accroissement des tonnages ; deux mâts gréés de voiles latines allaient remplacer le mât unique à voile carrée ; proue et poupe étaient rehaussées de châteaux entourés d'un pavois. Si, dans le Nord, les cogges hanséates et les nefs du Ponant portaient des superstructures semblables, en revanche elles s'affirmaient les héritières des navires longs vikings ; bordées à clins, de formes moins massives, elles portaient une unique voile carrée. C'est vers la fin du XIVe siècle que marins du Nord et marins du Midi joignirent leurs techniques et que se généralisa le gouvernail d'étambot qui remplaça en Méditerranée les rames-gouvernails pendantes à l'arrière et la rame latérale unique des marins du Nord. L'invention de ce gouvernail, toujours en usage aujourd'hui (safran axial pivotant autour d'une mèche fixée sur l'étambot), permettait au navire une tenue de route stable.
Vers la même époque, l'instrument indiquant la route fit son apparition. Les premiers usages attestés de l'aiguille aimantée se situent à la fin du XIe siècle dans le bassin méditerranéen ; son utilisation par les Arabes est prouvée un siècle et demi plus tard. Les débuts de la boussole sont modestes : une aiguille aimantée enfilée dans un fétu de paille flottant sur un peu d'eau. L'aiguille fut ensuite montée sur un pivot, puis fixée à une rose divisée en huit, bientôt seize et trente-deux rhumbs. L'ensemble, enfermé dans un habitacle et suspendu pour éviter les mouvements de plate-forme, constitue à la fin du Moyen Âge le compas qui permet désormais aux marins de suivre une route déterminée.
Bien que la boussole soit une invention capitale, elle ne saurait résoudre tous les problèmes de navigation en haute mer. L'art nautique médiéval conserve dans ses grands traits un caractère très empirique : navigation à l'estime dont la précision repose sur l'expérience du marin qui évalue dérive et vitesse sans instrument, calcul approximatif de la latitude par l'observation de la hauteur de la Polaire sur l'horizon à l'aide de l'astrolabe (fin XIIIe s.) et au moyen des Tables alphonsines , éphémérides nautiques établies en Espagne. Il aurait été d'un faible intérêt d'établir un point précis si les cartes n'avaient pas apporté une précision du même ordre ; tel n'était pas le cas : aux mappemondes utilisées au XIe siècle succédèrent d'abord des cartes où figuraient la rose des vents et quelques contours imprécis des côtes, puis apparurent les portulans (XIVe s.) qui comportaient, outre de remarquables vues de côtes, un réseau de lignes entrecroisées et tracées en fonction de la rose des vents.


Boutres arabes et jonques chinoises

Zone de contacts millénaires entre marins de Méditerranée, d'Afrique et d'Extrême-Orient, l'océan Indien avait livré aux Anciens, au temps d'Hippalos (Ier s.), le " secret " du rythme saisonnier de la mousson. Sur leurs traces, les Arabes s'assuraient des marchés jusqu'en Chine (IXe s.), tandis que les marins chinois venaient à leur rencontre jusqu'à Ceylan et Zanzibar. Les voyages de Marco Polo (XIIIe s.) et d'Ibn Battuta (XIVe s.) confirmaient la constance des routes de la mousson que Vasco de Gama emprunta aussi à la fin du XVe siècle.
Les Arabes étaient bons marins et disposaient d'excellents navires, notamment des boutres. La coque, construite en bois de teck, assemblée bord à bord, présente une étrave allongée et une poupe en tableau surélevée ; le gréement, caractéristique (aurique), comporte un ou deux mâts très inclinés sur l'avant, une voile trapézoïdale (dite arabe) fixée sur une très longue antenne.
L'art nautique pratiqué dans l'océan Indien atteint dès le Xe siècle un niveau empirico-scientifique que les navigations méditerranéenne et atlantique n'abordent que deux siècles plus tard. En l'absence de boussole, utilisée pour la première fois en cet océan en 1282, les Arabes naviguaient à l'aide de la rose azimutale sidérale. Cette technique qu'autorisaient la clarté sidérale et les navigations à basse latitude permettait de définir les trente-deux rhumbs de l'horizon en choisissant quinze étoiles aux distances polaires successivement échelonnées. En revanche, à la fin du Moyen Âge, les procédés des pilotes portugais s'imposent aux Arabes : Ibn Madjid, pilote de Vasco de Gama, conseille à ses compatriotes de l'océan Indien de se mettre à l'école " des Francs d'où viennent maintenant science et art nautiques ".
Nos connaissances sur les navires et l'art nautique chinois restent fragmentaires, mais il ne fait aucun doute que les Chinois pratiquèrent très tôt une navigation astronomique primitive et qu'ils furent les premiers utilisateurs de l'aiguille aimantée (un siècle environ avant les marins de Méditerranée). Le caractère particulier de la construction navale chinoise surprit les navigateurs musulmans et chrétiens du Moyen Âge lorsqu'ils découvrirent les jonques. Celles de l'océan Indien étaient de très lourds navires, portant trois mâts ou davantage, gréés de voiles lattées ; un fond plat sans quille, une pesante rame-gouvernail les rendaient peu manœuvrantes. Conçues pour naviguer vent arrière avec la mousson, elles ne pouvaient rivaliser avec les jonques des mers de Chine qui, avec dérive mobile et gouvernail axial ajouré, se révélaient d'excellents voiliers. Plus tôt que l'Occident, la Chine apportait sa contribution à la navigation : boussole, voiles lattées, gouvernail axial, peut-être aussi gouvernail d'étambot (Xe s.).




2. De l'ère des Grandes Découvertes à celle des cap-horniers

Navires de la Renaissance et navigation hauturière

Le besoin de tourner la puissance ottomane qui, depuis le milieu du XVe siècle, détenait en Orient le monopole du commerce vers les Indes imposait aux peuples d'Occident la découverte de nouvelles routes maritimes. Deux possibilités s'offraient : contourner l'Afrique ou faire route à l'ouest en supposant que la Terre fût ronde. Les Portugais, sous l'impulsion d'Henri le Navigateur, s'engagèrent sur la première voie. Bartolomeu Dias reconnaît le cap de Bonne-Espérance en 1487, Vasco de Gama rallie les Indes en 1498 ; les Espagnols se lançaient sur la seconde et découvraient l'Amérique (Christophe Colomb, 1492). La route des Indes par l'ouest s'ouvrait plus tard après que Magellan eut reconnu le passage du sud de l'Amérique (1520). Les Grandes Découvertes consacraient ainsi le perfectionnement des navires et les progrès de l'art nautique qui les avaient rendues possibles.
Née sur les côtes ibériques du Nord et de Méditerranée, la caravelle fut l'outil des Grandes Découvertes : voilier long aux lignes affinées, de dimensions moyennes (la Santa Maria de Colomb mesurait 39 m de long et 8 m de large), la caravelle était rapide et légère (100 tonneaux). Grâce à la multiplicité des mâts : grand mât, artimon, trinquet, elle pouvait porter une voilure importante ; voiles carrées aux mâts de l'avant, voile latine à l'artimon et petite voile carrée sous le beaupré (civadière) lui conféraient l'avantage de tenir l'allure de près et d'être très maniable. Mais la caravelle, outil perfectionné et coûteux, taillée pour la vitesse et les routes proches du vent, ne pouvait guère assurer les fonctions de transport et de combat ; celles-ci furent confiées aux caraques et galions qui constituèrent, jusqu'au XVIIe siècle, l'essentiel des flottes du Ponant et du Levant. Navires très lourds (jusqu'à 2 000 tonneaux), de formes massives (15 m de large pour 50 m de long), ils n'avaient aucune aptitude à dépasser le vent de travers et, bien qu'ils fussent gréés d'une importante voilure, étagée sur de multiples mâts, leurs châteaux munis de pièces d'artillerie diminuaient leur maniabilité.
La mutation de l'art nautique au début du XVIe siècle doit plus à l'organisation et à la formation des hommes qu'aux progrès de l'astronomie. En effet,: les bases techniques étaient connues à la fin du Moyen Âge et il convenait de les adapter aux marins. Henri le Navigateur avait donné l'impulsion en groupant autour de lui l' école de Sagres, l'Espagne ensuite s'enorgueillit de son " collège " de Séville, dont le piloto mayor le plus célèbre, Amerigo Vespucci, forma des pilotes de renom.
Le savoir des pilotes reposait autant sur leur expérience pratique que sur leurs connaissances théoriques, puisque la navigation était pour l'essentiel une navigation à l'estime, contrôlée par une mesure astronomique de latitude ; le problème de la longitude resta entier jusqu'à l'apparition des chronomètres au XVIIIe siècle. La navigation à l'estime, aussi précise que le permettaient le compas, l'appréciation de la dérive et le sablier, allait cependant bénéficier d'un apport fondamental attribué au mérite de Colomb : la découverte de la déclinaison magnétique et des lois de sa variation. De son côté, la navigation par la hauteur des astres ou navigation hauturière, traditionnellement fondée sur l'observation de la Polaire, s'enrichit de la méridienne (observation de la hauteur du Soleil à son passage au méridien) qui permettait, au moyen de tables astronomiques, les regimentos , d'obtenir la latitude. La possibilité d'une mesure régulière de la latitude par le Soleil ouvrait les routes australes où l'observation de la Polaire est impossible. La détermination de la latitude, même approximative, permettait de trouver une côte : ayant conduit le navire à la latitude approchée de celle-ci, on suivait une route à l'est ou à l'ouest pour la reconnaître. Encore fallait-il que l'élément essentiel, le vent, ne fît pas défaut et que les navigateurs en connussent bien le régime. À cet égard, l'invention décisive fut celle de la volta qui permit aux Portugais de progresser le long des côtes d'Afrique occidentale et surtout d'en revenir ; elle consistait à concilier judicieusement le régime des alizés et des contre-alizés avec les impératifs d'une navigation selon les parallèles.
Simultanément, instruments et documents nautiques s'amélioraient. À l'astrolabe médiéval se substituent l'astrolabe nautique (fin XVe s.), l'arbalestrille et surtout l'arbalète (XVIe s.). Il devenait possible de porter sur les cartes les latitudes approximatives des lieux, mais, bien que le quadrillage en méridiens et parallèles fût connu depuis longtemps, aucune projection ne permettait encore de représenter une route par une droite. Néanmoins, les diverses écoles de navigation s'attachaient à rectifier et à compléter cartes et documents nautiques à l'aide des relevés des pilotes ; citons les Routiers de mer italiens, portugais et dieppois, les Miroirs de mer hollandais, les Pilots anglais, les Seebuchen allemands.


L'apogée de la marine à voile

L'ère des Grandes Découvertes avait donné à la marine à voile ses lettres de créance; l'ère suivante, celle des compétitions pour l'exploration des richesses et la maîtrise des mers, consacre le grand voilier à vocation militaire. Époque du vaisseau par excellence, les XVIIe et XVIIIe siècles sonnent le glas de la marine à rames qui, dans un ultime éclat, atteint à la perfection du bateau long (témoin la remarquable finesse et le luxe de l'ornementation extérieure de la galère La Grande Réale ), mais ne subsiste guère qu'en Méditerranée, où l'inconstance des vents dessert la navigation à voile.
Au XVIIe siècle, celle-ci s'affirme partout et dans tous les genres : moins de nefs, mais des caravelles et des galions espagnols. La tendance au gigantisme se manifeste avec le vaisseau dont l'avènement illustre les progrès de la construction navale. La coque perfectionne ses liaisons intérieures : l'assemblage devient plus précis, le bois est longuement traité dans l'eau saumâtre. L'aspect extérieur se modifie : la courbure du pont s'atténue, tandis que les châteaux s'abaissent, puis s'arrondissent à l'avant et à l'arrière (fin du XVIIIe s.). L'amélioration la plus notable concerne le gréement : le vaisseau est gréé en trois mâts carré ; chacun des deux mâts principaux porte trois voiles carrées étagées : misaine ou grand-voile, hunier, perroquet, surmontées d'une quatrième voile carrée, le cacatois (fin XVIIIe s.) ; le mât d'artimon reçoit une grande voile trapézoïdale, l'artimon, que dominent deux ou trois voiles carrées : perroquet de fougue, perruche, cacatois de perruche ; diverses voiles sont fixées à l'extrémité du beaupré pour améliorer les facultés d'évolution avant que n'apparaissent les focs triangulaires (XVIIIe s.). Aux progrès des coques et des gréements qui améliorent la tenue à la mer et les qualités évolutives correspond l'accroissement des dimensions. Le premier vaisseau à trois ponts, le Sovereign of the Seas , construit en Angleterre en 1637, mesurait quarante-cinq mètres de long et jaugeait quinze cents tonneaux ; l'Océan , construit par Sané (1790), portait plus de trois mille mètres carrés de voilure pour cinq mille tonneaux et soixante-trois mètres de long.
Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les vaisseaux furent autant des unités de combat que les long-courriers du commerce. Élément principal du corps de bataille, doté de nombreux canons (jusqu'à 120), le vaisseau de ligne s'appuyait sur les frégates et les corvettes , moins armées mais plus manœuvrantes, qui assuraient les missions de reconnaissance et d'actions contre les navires de commerce. De taille plus modeste que le vaisseau de ligne, armés seulement de quelques batteries, les vaisseaux de commerce, en particulier ceux de la Compagnie des Indes, se partageaient le trafic avec les flûtes et les hourques, ou encore les bricks et les goélettes, voiliers très fins qui préfiguraient les clippers du XIXe siècle.
Au début de ce siècle, l'âpreté de la concurrence imposa aux armateurs de nouveaux efforts dans la recherche de la vitesse. Le clipper (trois mâts carré, énorme voilure de coton, 800 tonneaux) fut le roi de la vitesse ; successivement forceur de blocus pendant la guerre d'Indépendance des États-Unis d'Amérique (1775-1782), instrument de la contrebande de l'opium en Extrême-Orient de 1830 à 1850, il s'illustra dans la course au thé entre les ports de Chine et l'Angleterre jusqu'en 1870. Certains clippers restèrent fameux pour leurs records (18 nœuds au Lightning sur 400 milles nautiques, 21 au James Baines ), mais leur faible capacité d'emport précipita leur déclin au moment où la concurrence de la vapeur s'affirmait. Certains armateurs ne voulurent point renoncer à la voile : pour battre le cargo sur le prix du fret, il fallut augmenter les tonnages et spécialiser les voiliers. Au début du XXe siècle, la généralisation de la construction métallique des coques et des mâts, la transformation du gréement en quatre, voire cinq mâts, permit de réaliser des voiliers de quatre mille tonnes de port en lourd, spécialisés dans le transport du charbon, des minerais ou des céréales. Ces navires, dont les plus célèbres, les cap-horniers, contournaient le cap Horn, naviguèrent jusqu'à la veille du second conflit mondial ; ils portèrent la navigation à voiles à sa perfection (le cinq-mâts France mesurait 126 mètres, transportait 8 000 tonnes sous une voilure de 6 000 m2). Après avoir supplanté son antique rival, le navire à rames, le voilier allait disparaître devant le bâtiment à vapeur.


Le problème du point à la mer

Près de trois siècles s'écoulèrent avant que la navigation mi-empirique, mi-scientifique de l'époque des Grandes Découvertes ne fît place à une véritable navigation scientifique. Peu à peu, les progrès des cartes et des instruments, la construction des chronomètres, l'exploration géographique permirent de résoudre le problème lancinant de la position à la mer (XVIIIe s.).
Progrès des cartes, pour lesquelles Gérard Mercator, au milieu du XVIe siècle, inventa la projection qui porte son nom : le procédé utilisé, celui des latitudes croissantes, selon lequel l'écartement entre parallèles croît avec la latitude, conserve angles et distances, permettant ainsi de représenter la route suivie par une droite et de mesurer facilement les distances. Progressivement, les tracés de côtes se précisent, mais les positions sont approximatives puisque les longitudes restent entachées d'erreurs.
La boussole ne subit que des améliorations de détail jusqu'au XIXe siècle : on augmente la précision de la rose en la divisant en trois cent soixante degrés à la place des trente-deux rhumbs traditionnels ; les navires sont munis de deux compas : compas de route pour l'homme de barre, compas de relèvement muni d'une alidade pour le navigateur, qui peut alors observer aisément le relèvement de plusieurs lieux à terre et en déduire la position exacte du navire. En haute mer, la détermination du point estimé gagne en précision (XVIIe s.) grâce à un instrument de mesure de la vitesse, le loch, simple ligne de chanvre graduée de distance en distance par des nœuds qu'on " file " à la mer pendant un temps fixé, mesuré par le sablier. Mais, pour s'affranchir des erreurs de l'estime, il convenait de résoudre le problème du point astronomique.
Au XVIIe siècle, le quart de nonante remplaçait les astrolabes et l'arbalète, mais restait d'un emploi difficile par mer agitée, faute d'un moyen permettant la visée simultanée de l'astre et de la ligne d'horizon. L'invention des appareils à réflexion résolut le problème ; Newton créa en 1699 le premier appareil à double réflexion sur des miroirs : l'image de l'astre, après réflexion sur un miroir mobile et sur un miroir fixe, put être mise en coïncidence avec l'horizon, visé directement à travers une lunette. Le principe de l'octant et du sextant était découvert ; l'octant, ainsi appelé parce que son limbe, gradué sur 450, représente un huitième de la circonférence, se répandait au XVIIIe siècle avant d'être remplacé par le sextant (600 d'arc), toujours en usage de nos jours. Dès lors, les instruments de mesure des hauteurs avaient acquis une précision suffisante (environ une minute d'arc, ce qui correspond à une erreur de position d'un mille) pour ne pas constituer d'obstacle à la justesse des déterminations de longitude. D'autre part, les éphémérides astronomiques s'étaient améliorées : l'Observatoire de Paris, créé par Colbert, éditait chaque année les tables de la Connaissance des temps , dont la publication fut continuée par le Bureau des longitudes (1795) ; en Angleterre, le Board of Longitude (1714) rédigeait le Nautical Almanach. En outre, ces institutions encourageaient la recherche de méthodes susceptibles de déterminer la longitude en mer.
On savait depuis le début du XVIe siècle que l'heure d'observation d'un phénomène céleste dépendait du lieu d'où on l'observait et que, si l'on trouvait une méthode pour comparer l'heure locale du phénomène observé à celle du lieu d'origine, la différence des heures pouvait donner la longitude. La solution du problème se réduisait à une question d'horlogerie : la création de pendules, chronomètres ou garde-temps capables de conserver l'heure du méridien initial avec précision. Faute de pouvoir réaliser de tels instruments avant la seconde moitié du XVIIIe siècle, les marins durent recourir au procédé des distances lunaires, qui, affranchi de la conservation du temps, se fondait sur l'observation de la distance angulaire entre un astre mobile (la Lune) et des astres fixes (étoiles) ; cette méthode, longue et très imprécise, malgré l'apparition des premiers octants et sextants, fut rapidement abandonnée dès que les premiers chronomètres donnèrent satisfaction. Il fallut attendre longtemps ; après les sabliers et horloges à eau (XVIe s.), les premières montres transportables (XVIIe s.) s'étaient révélées d'un emploi décevant ; c'est seulement en 1757, lorsque Huygens eut ouvert la voie de la précision en assurant la régulation des pendules, que l'Anglais J. Harrison réussit à mettre au point le premier garde-temps. Après de nombreux essais, l'instrument s'imposa aux navigateurs de la fin du XVIIIe siècle. Le problème de la longitude par le transport de l'heure du méridien initial était résolu.
La création d'instruments à double réflexion, le perfectionnement des tables lunaires, l'apparition des premiers chronomètres ouvraient la voie de la découverte géographique, rendue d'autant plus nécessaire que les positions des terres nouvelles, reconnues au hasard des navigations des XVIe et XVIIe siècles, restaient imprécises et que certaines aires maritimes demeuraient inconnues (depuis le voyage de Magellan, la découverte du Pacifique était tout juste esquissée). Sous l'impulsion des académies des sciences (en France, l'Académie de marine, créée à Brest en 1752), l'exploration prit un caractère systématique (seconde moitié du XVIIIe et début du XIXe s.). Après la première grande expédition conduite par Bougainville autour du monde par le détroit de Magellan et le cap de Bonne-Espérance (1766-1769), Cook reconnaissait, au cours de ses trois célèbres voyages (1768-1780), la totalité du Pacifique et les mers antarctiques. Sur ses traces, de nombreux marins, en particulier Lapérouse et d'Entrecasteaux à la fin du XVIIIe siècle et Dumont d'Urville au début du XIXe, complétèrent son œuvre colossale. La découverte du monde par la mer étant à peu près achevée, l'activité scientifique des marins va se tourner vers l'hydrographie, stimulée en France par le Dépôt des cartes et plans (1720). Beautemps-Beaupré définit, à la fin du XVIIIe siècle, les méthodes qui permirent l'établissement des cartes modernes.




3. Propulsion mécanique et navigation moderne

La propulsion mécanique

La troisième grande étape de l'histoire de la propulsion du navire commence au XVIIIe siècle lorsque, pour s'affranchir du vent, l'homme a l'idée d'utiliser l'énergie produite par la détente de la vapeur d'eau. Denis Papin (1690) puis Jonathan Hulls (1736) ouvrirent la voie en associant la roue à aubes à une machine à vapeur. Ce système porta ses fruits lorsque, en 1783, Jouffroy d'Abbans réussit à faire naviguer le premier navire à vapeur : son Pyroscaphe (182 tonnes-machine à un cylindre-roues de 4,50 m) remonta la Saône pendant un quart d'heure. Les années suivantes, les tentatives se multiplièrent en Angleterre et surtout en Amérique, où le célèbre Fulton parvint à la réussite commerciale quand le Clermont , doté d'une machine de dix-huit chevaux, construite par Watt, assura le premier service de navigation fluviale sur l'Hudson entre New York et Albany (1807). La Manche était franchie pour la première fois à la vapeur en 1816. Les rayons d'action restèrent limités par la capacité d'emport de combustible jusqu'au moment où les progrès des machines (condenseur à surface, chaudière à eau distillée) permirent au Sirius de traverser l'Atlantique sous la puissance ininterrompue de la vapeur (1838). Les armateurs, prévoyant l'intérêt du nouveau mode de propulsion, créent alors des lignes régulières de paquebots, tandis que les marines de guerre, plus réticentes, redoutent la vulnérabilité des machines et des roues à aubes.
Vers 1840, de nouveaux progrès sont réalisés. L'adoption de l'hélice et de la construction métallique amorçaient l'extraordinaire essor de la marine à vapeur. À la suite des travaux de l'Anglais F. Pettit Smith et du Suédois J. Ericsson, la propulsion par hélice entre dans la voie des réalisations pratiques : premier vapeur à hélice, le Napoléon , construit au Havre, atteint aux essais la vitesse de onze nœuds (1841) ; le Great Britain traverse l'Atlantique à l'aide du nouveau propulseur (1843). L'hélice prend l'avantage sur les roues à aubes, bien que parfois les deux systèmes soient employés simultanément, comme sur l'énorme Great Eastern (210 m de long, 25 m de large ; diamètre des roues, 17 m). La construction en fer modifie le dessin et la structure des navires auxquels elle apporte solidité, étanchéité de la carène, possibilité de compartimentage, qualités dont l'ingénieur français Dupuy de Lôme entend faire profiter le bâtiment de guerre : la construction du premier cuirassé, la Gloire (5 600 tonnes, 13 nœuds) sonnait l'heure de la condamnation des vaisseaux de guerre à voile (1859).
La seconde moitié du XIXe siècle consacre l'entrée de la marine à vapeur dans une phase moderne. Les améliorations techniques de plus en plus rapides (chaudière tubulaire, alimentation à l'eau douce, machine à plusieurs cylindres, énergie électrique) autorisent l'augmentation des puissances, des vitesses et des dimensions. Vers 1875, les paquebots de l'Atlantique dépassent cent mètres de long et filent seize nœuds ; au début du XXe siècle, leur longueur est double et leur vitesse atteint vingt-deux nœuds. La fin du XIXe siècle voit l'achèvement du premier submersible, le Narval , torpilleur sous-marin propulsé en surface par une machine à vapeur et en plongée par une batterie d'accumulateurs.
L'accélération des progrès marque plus encore le XXe siècle ; la turbine à vapeur succède à la machine alternative, la chauffe à mazout se généralise, le moteur Diesel acquiert une place de choix, enfin l'énergie nucléaire vient conférer au navire une autonomie quasi illimitée. La construction navale s'adapte aux nouveaux systèmes de propulsion et diversifie les types de navire selon la variété du transport ou les exigences de la guerre navale. Ainsi, au cargo " bonne à tout faire " de la fin du siècle dernier, se substituent des navires spécialisés : pétroliers puis " superpétroliers " (d'un tonnage allant jusqu'à 600 000 tonnes), méthaniers, minéraliers, navires rouliers, transporteurs de produits chimiques en vrac, porte-conteneurs. Aux paquebots traditionnels se joignent des flottes de car-ferries , d'aéroglisseurs (coque sur coussin d'air) et d'hydroptères (coque sur patins à peine immergés).
Avec la Seconde Guerre mondiale, le porte-avions détrône le cuirassé et reste aujourd'hui encore la clé de voûte des forces de surface des grandes marines, grâce à la puissance de l'aviation embarquée (jusqu'à près de cent aéronefs sur les plus gros porte-avions américains).
L'évolution des armes et des équipements (détection, communications, hélicoptères) entraîne une spécialisation des navires de surface : bâtiments de défense aérienne, de lutte anti-sous-marine, de débarquement, de soutien logistique, de dragage et de chasse aux mines ; les flottes sous-marines se diversifient en sous-marins " lanceurs de missiles stratégiques ", composante majeure de toute stratégie de dissuasion et en sous-marins d'" attaque ", capables de détruire tout adversaire sous-marin ou de surface.
La navigation moderne
Lente jusqu'à la solution du problème de la longitude, l'évolution de l'art de naviguer connut un rythme rapide au cours des XIXe et XXe siècles. Les inventions, en particulier celle de l'électricité, perfectionnent les instruments et procédés classiques et rendent possibles de nouvelles méthodes ; une abondante documentation nautique se diffuse ; la réglementation de la navigation s'élabore et s'adapte aux besoins nouveaux.
La compensation des compas (début XIXe s.) donne le moyen d'annuler des champs magnétiques dus aux coques métalliques ; plus tard, de l'invention du gyroscope, que n'influencent ni le champ magnétique terrestre, ni les mouvements de plate-forme du navire, provient le gyrocompas, indiquant avec précision non plus le nord magnétique, mais le nord vrai. L'ancestral procédé de sondage à main, possible seulement à faible vitesse, disparaît au profit du sondage en marche, réalisé de nos jours par le sondeur à ultrasons. Au XIXe siècle, le loch à hélice se substitue au vieux loch ; à l'heure actuelle, les lochs sont électriques et les plus perfectionnés d'entre eux, à effet Doppler, indiquent la vitesse fond. En outre, calculateurs d'estime et tables traçantes, asservis au compas et au loch, facilitent la tenue de la navigation estimée.
La méthode de la droite de hauteur (1875) permet d'obtenir une position par deux observations effectuées à des heures quelconques, alors que l'ancien procédé imposait la détermination de la latitude par l'observation de la hauteur du Soleil à midi. Les instruments d'observation bénéficient des progrès de l'optique, qui rendent les observations plus rapides et plus commodes dans de mauvaises conditions, possibles même par visibilité nulle (sextant à horizon artificiel). Les chronomètres atteignent une précision remarquable que l'avènement de la radio va rendre superflue, car les signaux horaires émis par de nombreuses stations donnent plusieurs fois par jour l'heure du méridien initial.
Les connaissances acquises dans le domaine des ondes hertziennes révolutionnent la navigation qui s'enrichit de procédés radioélectriques. Ainsi la radiogoniométrie permet de relever, à l'aide d'un " gonio ", les émissions de radiophares de position et d'en déduire le point à la mer. Après la dernière guerre, de nombreux systèmes radioélectriques se développent, comme le Loran, le Consol ou, plus récemment, l'Oméga, dont la portée atteint plusieurs centaines de milles. Le radar permet de voir en l'absence de toute visibilité et d'éviter les dangers et les collisions. Enfin, les techniques récentes de navigation à inertie (dont le principe repose sur l'intégration des accélérations nord-sud et est-ouest) et les systèmes de radionavigation par satellite (Transit et bientôt Navstar) assurent ou assureront aux utilisateurs une précision de position de quelques centaines de mètres en tout point des mers.
L'augmentation de la vitesse et de la précision de la navigation imposait et continue d'imposer une incessante activité hydrographique : relevés de côtes, sondages, auxquels correspondent des milliers de cartes et d'ouvrages tels que livres de phares, annuaires des marées, avis aux navigateurs... À la notion de sûreté de la navigation s'ajoute celle de sécurité en mer qui se traduit par l'élaboration de règles (le premier règlement international de 1862, destiné à prévenir les abordages en mer, souvent modifié par l'entrée en service de nouveaux types de navires, constitue le " code de la route " des marins) et la création de services internationaux de météorologie, de radiocommunications et de sauvetage en mer qui reposent de plus en plus sur l'utilisation des satellites.
Précision du point à la mer, sécurité en pleine mer, voilà de quoi devaient rêver les premiers hommes qui tentèrent l'aventure maritime. Des siècles se sont écoulés avant que l'art de la navigation et de la construction navale atteigne le stade scientifique actuel. Savoir naviguer exige compétence technique, mais aussi connaissance du milieu marin et de ses lois qui semblent parfois irrationnelles. Le facteur humain reste présent et l'expérience y a toujours sa place.

Source : Encyclopédie Universalis
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